85. Dans le club-house de L'Alambra
Dans le club-house de L’Alambra, la situation est tendue.
Les auras opposées que dégagent Copperfield et le président du club de natation donnent des sueurs froides à toutes les autres personnes dans la pièce. Elles ont arrêté de manger à cause du stress qui leur noue l’estomac, et font semblant de parler pour ne pas être prises à partie dans la confrontation entre les deux hommes. Même les délicieuses crèmes brûlées du chef restent intactes sur les tables.
Dehors, la nuit est noire et tous les joueurs ont quitté le parcours.
Copperfield dit : vous devez savoir que quatre adolescents ont été tués à Myriad Pro cette semaine. Le président du club de natation malaxe ses mains baguées comme deux belles boules de pâte à pain. Oui, dit-il, j’en ai entendu parler.
Je crois que vous connaissiez bien Marle, une des victimes, dit Copperfield. Il lui montre la photo prise à la piscine, avec le trophée. Le président regarde la photo. C’était une très bonne nageuse, dit-il.
Pendant un court instant, Copperfield croit le voir sourire. La noirceur que son regard dégage n’est pas humaine. Son aura est la plus sombre qu’il ait vue depuis le début de l’enquête.
Il imagine une dizaine d’hommes avec la même aura que le président, en train de boire des cocktails au bord d’une piscine, et de profiter d’un beau panorama sur le Soleil qui explose.
Il doit trouver un moyen de s’enfuir.
Vous savez, dit le président, ça fait plusieurs jours que je vous vois avec votre collègue, aller et venir à Myriad Pro. Vous avez l’air de vous donner beaucoup de mal. Il dit : c’est vraiment une enquête très compliquée sur laquelle vous êtes. Vous ne devez pas trouver beaucoup d’indices.
On cherche, dit Copperfield, c’est notre métier.
Le président a fini le ramequin de chips. Il demande à Casca qu’elle lui apporte le paquet entier. Plusieurs fois, il prend une grande poignée de chips et la fourre dans sa bouche. Des morceaux tombent sur ses vêtements. Il dit : j’aurais bien aimé vous aider, mais ça va un peu contre mes intérêts.
Copperfield n’entend plus que le craquement des chips.
La porte du club-house s’ouvre.
Le président se retourne et dit : ah bah voilà, elles sont enfin arrivées.
Les trois sœurs Braska entrent et restent debout dans l’entrée.
Un homme entre à leur suite. C’est Steve, le jardinier de L’Alambra, que Copperfield appelait jusque-là l’inconnu du supermarché. Désolé pour le retard, dit Steve, elles s’étaient perdues de l’autre côté du parcours.
Steve est aussi celui qui se cache derrière le pseudo de steve-rice. C’est lui qui a mis sur Internet toutes les informations que Peter Fire a rassemblées dans Monde couronne. Il n’était pas obligé de le faire, mais il savait que les gens sur les forums adorent ce genre de mystère. Il a bien aimé lire leurs théories.
Copperfield regarde les sœurs Braska.
Il ne peut plus fuir.
Il comprend que cette fois il va y passer. Derrière son comptoir, Casca aussi le comprend. Elle lui sourit d’une manière un peu crispée qui veut dire quelque chose comme : dommage qu’on ne se soit pas connus dans d’autres circonstances.
Le président dit à Copperfield : si je peux vous donner un conseil, vous ne voulez pas les faire attendre. Copperfield se lève et fait le tour de la table. Il dit : un jour, quelqu’un découvrira la vérité. Oui oui, dit le président. Il continue de manger ses chips.
Copperfield passe devant les sœurs Braska et sort du club-house ; elles lui emboîtent le pas.