80. Le fermier et Rivage continuent de construire
Le fermier et Rivage continuent de construire la fusée avec de la tôle, des circuits électroniques, de l’aluminium, de la résine époxy et des fibres de silice. Pluton les regarde travailler. C’est un drôle de chien quand même, dit le fermier en soudant les réservoirs d’hélium. Oui c’est vrai, dit Rivage.
Le fermier se demande si c’est un vrai chien ou si c’est une bête martienne mutante qui a pris cette apparence pour mieux se faire accepter par les humains. Grâce à ses pouvoirs de télépathie, Pluton perçoit la question du fermier avant qu’elle ne soit formulée. Il lui répond par la pensée : je suis un chien terrestre, mais mon voyage sur Mars m’a transformé.
Le fermier ne comprend pas pourquoi il est revenu sur Terre si c’est pour repartir aussi vite sur Mars. Pluton dit : j’avais une mission ici, et je l’ai accomplie.
Dans l’ensemble, le fermier comprend que Pluton n’est pas très bavard.
Pluton ne répond pas à cette constatation.
Le fermier demande : au fait inspecteur, c’est pas grave que vous ayez arrêté votre enquête ?
Rivage dit : c’est la première fois que j’enquêtais sur des meurtres, et je crois que ce n’est pas vraiment fait pour moi. Je préférais quand les problèmes étaient plus simples, et moins violents. Il y a quelqu’un qui prend votre suite ? demande le fermier. Oui, dit Rivage, mon assistant. Il s’en sortira très bien.
Il pense à Copperfield qui tombe dans un puits et qui attend que quelqu’un lui envoie une échelle. Il le voit qui pleure au fond du puits, assis dans l’eau, les genoux contre son ventre.
Personne ne vient l’aider.
Enfin bon, dit Rivage, maintenant, je préfère me concentrer sur le futur.
La fusée est presque finie. Ils décorent leurs couchettes avec des souvenirs et des porte-bonheur. Le fermier accroche des portraits de sa fille un peu partout. Rivage n’est pas repassé chez lui avant d’aller chez le fermier. Il fouille dans son portefeuille et trouve trois photos. Une qu’il a prise avec Sam Delta à El Paramo il y a six ans, une qu’il a prise avec Copperfield à Portobello il y a quatre mois, et une qu’il a prise avec Chloé Price à Miami, quand il l’a revue par hasard deux ans plus tôt.
Il les regarde toutes pendant un certain temps.
Vous avez fini de décorer ? lui demande le fermier. Je dois vous montrer quelque chose.
Oui oui, dit Rivage, j’arrive.
Il range les photos dans son portefeuille et laisse ses murs blancs.
Il rejoint le fermier dans le salon. Une carte du ciel est dépliée sur la table à manger. Le fermier lui montre le plan de route de leur voyage dans l’espace. D’abord, dit-il, on va passer à côté de la Lune. Six mois plus tard, Pluton et vous, vous prendrez un module autonome qui vous déposera comme prévu sur Mars, dans le quadrangle de Mare Australe.
Pluton aboie avec joie.
Moi, dit le fermier, je vais jusque-là. Il met son doigt sur une zone entièrement noire, dans une reproduction de la Voie lactée à l’échelle 1/1000000000. C’est J2157, dit-il, un trou noir d’une masse équivalente à 34 milliards de Soleils. C’est par là que je vais entrer dans la dimension parallèle où ma fille est toujours en vie.
En fait, moi je ne veux pas aller sur Mars, dit Rivage. C’est juste Pluton qui veut.
Ah bon, mais vous voulez aller où alors ? demande le fermier.
Rivage regarde les planètes et les étoiles sur la carte du ciel.
Il n’en a aucune idée.