Red fume devant la morgue. Elle en est à un peu moins de la moitié de sa cigarette. Elle dit : j’ai embauché une nouvelle assistante. Elle est sympa et en plus elle bosse bien.

Copperfield est adossé contre le mur et regarde l’immeuble d’en face ; sa façade est jaune parce qu’elle est dans la lumière.

Copperfield est passé voir Red au cas où elle aurait d’autres informations après son autopsie des corps de Lucca et de Marle. Malheureusement non, dit-elle. Leurs corps présentent les mêmes marques que celui de Ken. La présence des poignards confirme ses conclusions pour Lucca. Le tueur devait être frustré que Peter Fire survive à la strangulation. Il s’est servi des poignards pour s’assurer de la mort des victimes suivantes.

Par contre, dit-elle, j’ai parlé de cette affaire à plusieurs collègues à Miami, Portobello et Sligo. Celui de Sligo m’a dit que ça lui rappelait une affaire qui s’est passée là-bas il y a trois ou quatre ans.

Il a cherché des documents dans les archives de sa morgue, mais tout avait disparu. Il a aussi cherché à joindre par téléphone d’autres professionnels avec qui il avait étudié les corps à cette époque, mais leurs numéros n’étaient plus attribués.

Ce que dit Red confirme l’intuition de Copperfield. Il n’a pas affaire à un tueur isolé, mais à un groupe, ou à une sorte d’organisation, qui commet les mêmes crimes dans différentes villes.

Red en est maintenant à un peu plus de la moitié de sa cigarette.

Copperfield demande : et le corps de Nick ? Je préfère ne pas en parler, dit Red. Elle n’avait jamais vu des blessures pareilles. Copperfield dit : je pense qu’il essayait de sauver Marle et m444rc. Il avait réussi à sauver Peter Fire. Red dit : c’est ce que je pense aussi. Il ne méritait pas ça.

Elle écrase son mégot sur le sol.

Tu as d’autres pistes ? demande-t-elle.

Oui, dit-il, je crois que je suis sur la bonne voie. Il lui montre un article paru dans le journal du matin. La journaliste écrit qu’une fuite de gaz a provoqué une énorme explosion au quatrième étage de l’immeuble où vit Copperfield. Toujours d’après la journaliste, la piste de l’accident technique est privilégiée. Pendant que Red lit, Copperfield dit : mon appartement est au quatrième étage.

Le postier a déclenché le mécanisme placé juste derrière la porte de son appartement en faisant glisser du courrier par la fente métallique qui sert de boîte aux lettres. Son corps s’est désintégré en moins d’une seconde.

Un contrat a été mis sur ma tête hier, dit Copperfield.

Red replie le journal et dit : fais attention à toi. Oui oui, dit Copperfield. Il se tourne vers elle et lui sourit en plissant les yeux. Red comprend que ce sourire veut dire : peut-être que bientôt je vais mourir et que tu n’entendras plus jamais parler de moi. Elle ne dit rien et sourit elle aussi. Le soleil a tourné et n’éclaire plus l’immeuble d’en face, qui redevient gris. Les courants d’air sont froids.

Allez, dit Copperfield, j’ai encore pas mal de boulot. Je dois aller à L’Alambra et passer voir Rivage en route. Red demande : comment il va depuis qu’il est rentré ?

Aucune idée, dit Copperfield, je ne lui ai toujours pas parlé. Je ne pense pas qu’il va pouvoir reprendre l’enquête. Copperfield laisse un blanc. Pour la première fois, il prend conscience que Rivage ne reviendra pas. Tout repose sur lui. Il pense : si je meurs, c’est fini.