Mista dépose Copperfield au commissariat.

Il lui dit : on se verra peut-être au golf ce soir, j’ai une course à y faire. OK, dit Copperfield, alors à ce soir peut-être. Copperfield pense à Mista comme à un nouveau collègue qui remplace Rivage.

La scientifique a eu le temps de travailler pendant la nuit, et il découvre ses résultats après l’attaque du commissariat. Les deux cartouches Sniper Elite sont du même calibre que celle qui a servi à tuer le proviseur.

La vitre brisée a été remplacée par un bout de carton en attendant la livraison d’un carreau sur mesure, mais le bureau de Rivage est resté tel quel. Un cadre a été fendu par un éclat de bois. C’est celui qui encadrait la photo de Sam Delta et de Rivage à Dubaï. Copperfield sort la photo du cadre et la regarde de près. Il les imagine tous les deux à Dubaï en train d’aller à la plage et de découvrir la culture locale.

Un jour, Sam Delta leur avait dit qu’il rêvait d’acheter un appartement sur The World. C’est un archipel d’îles de sable artificielles qui est réservé à l’élite du monde entier. Il avait dit : comme ça, on pourra faire des barbecues tous les trois sans être dérangés. Rivage lui avait dit que les billets d’avion pour Dubaï étaient beaucoup trop chers. C’est pas un souci, lui avait dit Sam Delta, je vous les offrirai.

Finalement, Sam Delta n’a jamais rien acheté sur The World parce que même pour lui c’était beaucoup trop cher.

Un policier demande à Copperfield s’il a des nouvelles de Rivage. On m’a dit qu’il était rentré chez lui et qu’il se reposait, dit Copperfield. Il pense à Rivage et aux bons moments qu’ils ont passés tous les deux. Il passera le voir avant d’aller à L’Alambra.

Il regarde le tableau en liège où sont accrochés tous leurs indices.

Il raye au feutre le portrait de Nick.

Il ne pourra jamais découvrir ses réelles motivations car il n’a laissé aucune trace derrière lui. Personne ne s’est manifesté après l’annonce de sa mort dans la presse. Il pourrait avoir tenté de sauver Marle, m444rc et Peter Fire. C’est une piste qui se tient, mais Copperfield n’a aucun élément pour la confirmer.

Il punaise de la ficelle rouge entre les portraits du père de Ken, du président du club de natation et du proviseur du collège. Il relie le proviseur à une photo de groupe des sœurs Braska, et punaise sa propre photo à côté des sœurs Braska.

Des portraits des trois hommes, il fait partir trois autres ficelles vers une photo vue du ciel du parcours de L’Alambra.

Dans un coin du tableau, il y a la capture d’écran de steve-rice, dont Copperfield ignore encore l’identité. Il le relie avec une ficelle au directeur du supermarché. Il relie aussi à steve-rice les deux mots de passe de Banjo-Kazooie.

Dans un autre coin, il y a une photo de la maison où l’a amené Mista, qu’il relie à la carte de visite de Mr Caramelo, qu’il relie au proviseur du collège.

Le père de Ken est également relié à une photo de son fils.

Au centre du tableau, il y a les portraits de Ken, Lucca, m444rc et Marle. Au-dessus d’eux, il a punaisé le dessin de la couronne qui est sur la première page de son carnet.

Copperfield pense que les choses commencent à faire sens. Il pense : tout est lié.

Rivage disait que la satisfaction d’une enquête réside dans la façon dont chaque élément trouve sa place dans un ensemble de plus en plus cohérent. C’est ce que tous les inspecteurs recherchent.

Il disait aussi que toutes les enquêtes n’avaient pas de mystère. La plupart n’ont d’ailleurs même pas de problème à poser. En fait, c’est un peu comme les maths, avait-il dit une fois à Copperfield. Les opérations simples permettent d’organiser le monde, et les plus compliquées de voir au travers.

Copperfield pense au choc qu’a subi Rivage au plan d’eau.

Il pense : peut-être que Rivage n’avait pas la force de voir au travers du monde.

Dans une corbeille à côté du bureau de Rivage, il retrouve l’énorme dossier de 800 pages intitulé Monde couronne. Il est enfoncé au milieu de documents froissés et d’autres déchets. Il le sort et enlève les couvercles de pots de yaourt collés sur sa couverture. Il lit plusieurs centaines de pages d’affilée sans se rendre compte du temps qui passe.

Certaines informations qu’il contient lui auraient sans doute servi plus tôt, mais dans l’ensemble c’est surtout un document rempli de fantasmes. Myriad Pro y est décrite comme une ville où sommeille un être nommé le gardien Asim, à qui un groupe d’hommes sacrifierait des adolescents pour s’emparer d’un artefact qui rend immortel.

Copperfield a l’impression que le document est un prétexte pour recueillir des centaines d’expériences douloureuses vécues par des anonymes.

Par exemple, plusieurs courts témoignages tournent autour de la relation père-fils. L’un d’entre eux dit : j’emprunte la voiture de mon père et me gare sur des parkings vides où je dors toute la nuit. Un autre : je joue à goldeneye 007 tous les jours pour évacuer la tristesse du suicide de mon père qui me l’avait offert. Un troisième : je me cache dans les bois pendant des heures pour faire croire à mon père que je vais au cinéma avec des amis.

Copperfield pense à une carte de Myriad Pro sur laquelle tous les lieux incontournables seraient les emplacements de traumatismes éprouvés par les habitants.

Il imagine la même carte pour le monde entier.