Copperfield reçoit un SMS de Sam Delta.

Faites attention, il va se passer un truc bizarre.

Il ne sait pas s’il doit s’y fier. Il se passe déjà un truc bizarre.

Rivage surveille toujours le sous-bois avec ses jumelles. La forme rouge abandonne la forme jaune orangé sur le sol. Elle marche autour d’elle et ramasse des choses qu’elle dépose à des endroits précis. La forme au sol devient de plus en plus bleue. Rivage ne comprend pas. Ce rituel n’a rien à voir avec les précédents.

Copperfield lui demande s’il voit un truc bizarre. Rivage ne répond pas. Il met toute sa concentration à essayer de comprendre la scène.

C’est peut-être le tournant de leur enquête.

Copperfield remarque que ses mains tremblent.

Rivage murmure : j’ai l’impression qu’il y a beaucoup plus de présences que tout à l’heure. Des complices ? demande Copperfield. Je ne pense pas, murmure Rivage. Elles ont la même aura que des humains, mais je les vois en bleu dans les jumelles. Copperfield demande : mais c’est quoi alors, des cadavres ? Je ne sais pas, murmure Rivage.

Ce mystère le terrifie.

Il dit : Copperfield, je crois qu’on a été imprudents.

Pluton commence à grogner.

Rivage est pris d’acouphènes. Il entend Copperfield comme s’il lui parlait à travers une vieille radio. Le vide s’étend autour de lui ; la force d’un trou noir l’attire. Il pense qu’à Miami tout doit être beaucoup plus simple. Il a des souvenirs de son enfance, quand les émotions ressenties étaient sincères. Dans les jumelles, il voit un autre monde sans vie qui se nomme chaos.

Rivage ? chuchote Copperfield.

Rivage baisse ses jumelles et se tourne vers Copperfield. Il se voit depuis l’intérieur de ses yeux, qui lui renvoient une panique démentielle. Tout va bien ? demande Copperfield.

Rivage s’écroule.

Le choc est sans précédent.

Quand Copperfield le regarde, il a l’impression que son corps s’enfonce dans le sol comme un mort qui rejoint son cercueil.

Copperfield voudrait pleurer d’angoisse. Il comprend que tous les futurs ne s’assemblent pas et qu’il doit faire un choix. Il se penche près de la gueule de Pluton. Il lui dit : je te le confie. Moi, je dois sauver les enfants. Pluton aboie comme un ami qui le consolerait.

Copperfield sort lentement des buissons et se dirige vers le sous-bois fait de sapins et de chênes. La distance est d’une cinquantaine de mètres. Il tient son 9 mm armé dans la main droite, sous sa torche. La pluie tombe toujours avec la même force ; il voit à peine où il marche.

Il essaie de ne penser à rien.

Il distingue les auras fantomatiques qui l’entourent.

Il entend des murmures et comprend qu’on l’observe.

Plus il se rapproche de son objectif, plus la tension l’écrase. La même que si l’astéroïde Bennu avait pulvérisé la Terre.

Et puis d’un coup, plus rien. Il est arrivé. Toutes les auras ont disparu ; les murmures aussi. Même la pluie s’est calmée. Si ses yeux étaient du même verre que les jumelles, tout deviendrait bleu.

Il n’a plus qu’à assister au drame.

La pluie remplit les bouches ouvertes de Marle et de m444rc, étendus sur le sol, les yeux ouverts. Ils ont tous les deux un poignard planté dans la gorge. Marle a une couronne tatouée sur le front, m444rc sur le ventre.

À côté, Nick est dans la même position, la tête fracassée.

Copperfield a une vision du tableau en liège et des indices en train de brûler. Il pense : parler ne suffit pas à sauver ceux qui meurent. Il n’a rien à écrire dans son carnet. Le truc bizarre vient de se passer.