64. Pluton, le chien
Tous les éléments autour se déchaînent et il ne reste plus rien de la station balnéaire ni de la plage. Le paysage ressemble aux reproductions 3D de la période où les dinosaures se sont éteints, avec de la poussière dans le ciel, des volcans en éruption dans toutes les directions, des arbres qui brûlent par le haut et une obscurité presque totale.
La friandise projette une lumière aveuglante qui tourne sur elle-même comme le faisceau d’un phare au milieu de l’océan.
Un éboulement se déclenche : plusieurs rochers en feu dévalent la pente autour du groupe et ricochent au hasard des obstacles sur leur route.
La friandise arrête d’émettre sa lumière.
Tout le monde entend un aboiement.
Elles baissent la tête : il y a un chien assis par terre.
Il bouge la queue et fixe la friandise qu’Upamecano tient dans son gantelet. Upamecano la lui donne et lui caresse le front pendant qu’il se régale.
Merci d’être venu, dit Upamecano.
Le chien aboie.
Il mange la friandise puis se tourne vers le feu. Il fixe la lave d’où le LEGO fondu sort en lévitation. Il lui redonne sa forme d’origine et le dépose entre les mains de Palmyre.
Elle dit : merci le chien. Le chien aboie et ouvre un portail avec une masse gélatineuse qui n’a pas la même couleur violette que les autres. Celle-ci est plutôt rouge orangé.
Il aboie pour leur faire comprendre de le traverser.
Quand Pluton aboie tout le monde entend des wouaf normaux, mais le message transmis par l’aura prend la forme de phrases complexes. Le nombre de wouaf n’est pas égal au nombre de mots. Un seul wouaf peut dire en même temps merci, j’aimerais faire une promenade et l’être à l’intérieur de soi digère lentement son néant.
L’aboiement est un des langages les plus synthétiques au monde.
C’est le fruit de 250 millions d’années d’évolution.
Upamecano passe le premier et les autres suivent.
C’est quoi cet endroit ? dit Palmyre.
Elle se trouve dans une sorte de petite cabane en bois avec une seule fenêtre panoramique qui donne sur un immense désert de sable et de poussière. Il y a quelques blocs et roches ici et là. Le ciel entier est noir et rien ne semble les empêcher de tomber dans le vide spatial.
Le chien aboie.
Bienvenue chez Pluton, dit Upamecano.
La cabane est décorée avec une tapisserie bleue à motif os de chien, un tableau avec le même os de chien que sur la tapisserie, une gamelle en forme d’os avec des croquettes dans une extrémité et de l’eau à l’autre extrémité, plusieurs laisses et colliers accrochés à un portemanteau, des livres à propos des chats, du squelette humain et des os en général, un panier pour dormir et une table basse en forme d’os autour de laquelle tout le monde est assis.
Il y a une seule photo posée en mode portrait au centre de la table, de Pluton avec deux hommes. Upamecano dit : ce sont des amis qu’il s’est faits pendant sa dernière aventure. Pluton aboie pour confirmer ce qu’Upamecano vient de dire : ce sont de très bons amis.
Price sourit quand elle reconnaît un des deux hommes.
Elle dit : Rivage.
Quoi ? demande Palmyre. Non rien, dit Price. J’ai juste eu l’impression de revoir une vieille connaissance. Elle ouvre son grimoire et retrouve un passage de ses recherches à propos du roi. Pluton y est décrit comme dieu des morts, maître de la nécropole martienne et conducteur des âmes.
Palmyre dit : donc ce chien est un dieu ? Je pense que c’est une entité, dit Price. Il doit prendre cette forme pour communiquer avec les humains, mais son essence est intangible. Un peu comme l’aura d’Upamecano qui utilise cette armure pour se matérialiser.
Ah ouais, dit Palmyre. Elle se saisit de son menton pour montrer qu’elle réfléchit. Elle imagine un triangle avec Dieu au bout d’un sommet, le roi au bout d’un autre, et Pluton au bout du dernier. C’est un schéma qui lui convient, même s’il n’est pas du tout conforme.
Elle regarde Pluton et dit : trop bien.
Upamecano dit : Pluton a son libre arbitre. Il va et vient où il veut. Il ne prend aucun parti et cherche en général à s’amuser. Si vous voulez l’appeler, proposez-lui de très bonnes friandises.
Pluton aboie.
Upamecano s’occupe de discuter avec lui pendant que les autres retrouvent la notice et les pièces qui manquent au LEGO sorti de la lave. C’est un hélicoptère tout simple avec son pilote.
6515, Hélicoptère Octan, LEGO® SYSTEM.
Il manque une des deux pales d’hélice avec son sticker et un des deux leviers.
Pluton confirme toutes les craintes d’Upamecano : les nouveaux possesseurs des deux autres artefacts se trouvent aussi dans le sanctuaire, et celui avec la pierre est particulièrement déterminé à rencontrer le roi. Il n’hésite pas à s’opposer aux calamités pour avancer. Ma sœur est là aussi ? demande Upamecano. Pluton aboie pour dire oui.
Je vais être heureux de la revoir, dit Upamecano.
Le LEGO est complet.
L’intérieur de la table basse se remplit de la même masse gélatineuse violette que dans les portails. Attendez, dit Price. J’ai perdu le canard. La masse les a déjà avalées.
Pluton aboie deux fois pour leur souhaiter bonne chance.