Leblanc se retrouve sur le quai.

Elle est toujours dans la même position, avec le bras tendu et le poing en avant.

Vega et Gon ont disparu.

Elle regarde autour d’elle. Les gens marchent en groupes, pêchent sur les rochers et discutent au bord de l’eau. Il y a une bonne ambiance de journée normale à Copenhague. Les nuages et les oiseaux avancent dans la même direction.

Upamecano est assis en tailleur et se tient le ventre comme un samouraï blessé.

L’aura éveillée de Safia Sofi s’appelle Maps. C’est une aura de téléportation un peu spéciale parce qu’elle fonctionne en binôme avec son frère : elle peut les téléporter où lui veut, et téléporter à leur emplacement qui lui veut.

Il n’a pas forcément besoin de le formuler, c’est son désir profond qui l’active. Par exemple son désir que Vega les rejoigne au sommet de L’Océane, ou d’éloigner les ennemis de sa sœur en danger.

C’est une forme avancée d’amour fraternel.

Upamecano a besoin de l’aide de Leblanc pour marcher. Elle se place à ses côtés et le soutient sous la spalière. Elle dit : je suis désolée. Pour ce qui est arrivé au sanctuaire.

Upamecano est un être discret mais il vit le vol de la couronne comme une honte immense parce qu’il a déçu la confiance du roi. La quête pour faire de Casca sa successeure est sa façon de se racheter.

Il espère trouver une forme d’apaisement dans le futur.

Tous les deux avancent jusqu’à repérer Casca, Trish, Nocturne et Mascarade assises un peu plus loin sur un muret. Les vélos sont garés à côté.

Casca et Trish viennent à leur rencontre pour s’assurer que tout va bien. Ça va, dit Upamecano. Pourquoi vous n’êtes pas au repaire ? Ils nous ont dit que c’était plus prudent de rester avec eux, dit Trish en montrant Nocturne et Mascarade.

Mascarade dévisage Upamecano. Il dit : eh mais c’est l’armure qui était dans le sanctuaire de Sligo. C’est un gardien, dit Leblanc. Mais oui, dit Mascarade, excellent. Ça va bien depuis le temps ? Désolé de pas vous avoir pris avec nous, mais on pensait vraiment que vous étiez mort.

Leblanc est un peu gênée par la façon dont Mascarade parle à Upamecano.

Upamecano dit : Mircea Speedwagon a pris soin de moi, et maintenant j’ai un nouveau but.

Trop bien, dit Mascarade. C’est hyper important de savoir rebondir dans la vie. En plus on m’a dit que Speedwagon était super sympa. Elle fait attention aux personnes qui l’entourent, dit Upamecano. Eh ouais, dit Mascarade, ça m’étonne pas du tout. Elle dégage vraiment une bonne vibe. Si je faisais pas la compta pour Tim, je crois que j’aimerais bien faire la compta pour elle.

C’est un vrai compliment de la part de Mascarade.

Mascarade demande à Leblanc : alors, tout s’est bien passé ?

Vega nous a attaqués, dit Leblanc. Je t’ai prévenu, mais ton téléphone était éteint.

Merde, dit Mascarade. Il sort son téléphone de sa poche. L’écran est noir et aucune touche ne répond. Il dit : j’ai plus de batterie. Je m’en doutais, dit Leblanc. Mais du coup c’est bon, demande Mascarade, Vega c’est fini ?

On l’a gravement blessé, dit Leblanc, mais il est toujours en vie. Oh les boules, dit Mascarade. Il fait un tout petit écart entre son index et son pouce et il dit : vous êtes passés à ça quoi.

Oui, dit Leblanc. À ça.

Elle demande à Mascarade ce que Tim lui a donné comme consignes une fois que tout le monde serait à Copenhague. Mascarade dit : il m’a dit que si la couronne était en sécurité, on pouvait rentrer à Miami.

Leblanc s’adresse à Upamecano. Elle lui demande : qu’est-ce que vous en pensez ? Une des membres de la fondation nous attend ici, dit Upamecano, on devrait s’en sortir.

Eh ben c’est niquel, dit Mascarade. Il prend les têtes de tout le monde entre ses bras pour créer un moment de cohésion artificiel. Il dit : vous savez, Bryan Vega, c’est un super gros morceau. Donc c’est déjà un truc de fou que tout le monde soit encore en vie. Bravo la team.

Son sourire va d’une oreille à l’autre.

Allez, dit-il, en route, et bonne chance.

Le groupe de Casca, Trish et Upamecano et celui de Leblanc, Nocturne et Mascarade se séparent.

En route vers le repaire de la fondation, Trish demande : c’était qui ces gens ? Des membres de l’organisation de Tim, dit Upamecano. Et c’est qui Tim ? demande Trish.

Un archéologue de Miami, dit Upamecano. Et donc c’est des alliés ? demande Trish. Apparemment, dit Upamecano.

Le repaire se trouve sous une laverie automatique. Pour entrer il faut ouvrir le hublot d’un lave-linge et taper un code secret à l’intérieur du tambour. Un passage s’ouvre derrière le distributeur de lessive qui permet l’accès à un escalier souterrain.

Suivez-moi, dit Upamecano.

En bas il actionne un interrupteur qui allume deux plafonniers et une grande enseigne de néon avec écrit FONDATION SPEEDWAGON.

Une porte s’ouvre dans le mur du fond et une forme étrange en sort. Dans la lumière tout le monde comprend que c’est une vieille femme de 1,40 mètre avec un long ciré vert qu’elle porte comme une cape et qui glisse autour d’elle.

Elle a l’air sévère et de longs cheveux gris qui tombent jusqu’au sol.

Jeanne, dit Upamecano en faisant une sorte de révérence. Tu es dans un sale état, dit la vieille femme. Tu fais peine à voir. Trish demande à Casca : c’est qui ? Casca hausse les épaules parce qu’elle n’en sait rien non plus.

La vieille femme fixe Trish.

Elle dit : je n’aime pas les messes basses. Si vous avez une question, vous me la posez. Si vous n’avez pas de question, vous ne dites rien. Les secrets, c’est pour les traîtres. Si vous me mentez, je vous tue. Et les morts, je les contrôle.

Son aura se répand dans toute la pièce.

Elle dit : je m’appelle Jeanne Lekker. Je suis l’associée principale de Mircea Speedwagon dans la fondation Speedwagon.

Elle aide Upamecano à s’installer dans un fauteuil qui ressemble à celui des dentistes et s’assoit sur un tabouret à côté pour regarder les dégâts que Vega a faits à son armure. Le trou dans le plastron est net et certains contours incandescents. Qui t’a fait ça ? demande Lekker. Bryan Vega, dit Upamecano.

Tu voulais ta vengeance ? demande Lekker.

Oui, dit Upamecano. Mais il est beaucoup plus fort qu’avant.

Lekker enfile un masque et des gants, allume son poste à souder et commence à fixer sur les deux pans du plastron une grande plaque du même alliage. Les étincelles éclairent ses yeux à travers la visière.

Casca et Trish sont à l’autre bout de la pièce en train de regarder les objets et les papiers disposés sur les plans de travail.

Ne touchez à rien, dit Lekker.

Elle continue de réparer Upamecano. Elle lui demande s’il a parlé à Casca de la façon dont les gardiens fonctionnent. Non, dit Upamecano, je ne voulais pas précipiter les choses. Elle finit les dernières soudures et enlève son masque. Elle dit : ne force pas trop. La zone reste fragile.

Vous deux, dit-elle en parlant à Casca et Trish, venez par ici.

Casca et Trish la rejoignent.

Lekker pose ses mains sur leurs deux fronts. Elle prononce des mots à voix basse que personne ne peut entendre. C’est comme si elle voulait leur jeter un sort ou les délivrer d’un maléfice.

Bien, dit-elle en retirant ses mains.

Elle enlève d’un geste son ciré vert et révèle un ensemble Sergio Tacchini avec une veste et un jogging jaune fluo. C’est sa tenue de sport.

Elle dit : votre entraînement commence maintenant.