30. Copenhague = mort (2)
L’Océane a commencé ses manœuvres d’accostage. Les centaines de passagers qui vidaient leurs cabines sont maintenant en train de remplir le coffre de leur voiture et de s’installer au volant.
Leblanc ne retrouve pas Nocturne parmi la foule.
Elle marche entre les voitures en appelant son nom, jusqu’à ce que tous les passagers aient fini par être installés et que plus aucune tête ne dépasse des toits.
Nocturne n’est pas là.
Leblanc s’assoit en tailleur sur le sol.
Elle dit : Ecco, Transcended.
Transcended est une des variantes d’Ecco les plus épuisantes parce qu’elle permet de visualiser toutes les auras des personnes qui se trouvent dans un périmètre choisi par Leblanc. Elle a englobé le paquebot entier et se retrouve avec des centaines d’auras à analyser en même temps.
Leblanc inspecte chaque étage du paquebot, pièce par pièce, en commençant par le parking, puis la salle des machines, les cabines de l’équipage au premier étage, celles des passagers au deuxième étage où elle reconnaît les auras de Casca et de Trish qui se dirigent vers l’accès au ponton de débarquement, les cinq restaurants et le hall de réception où elle voit l’aura intense d’Upamecano avancer à toute vitesse, la passerelle de navigation, la salle de muscu, le troisième étage avec la salle d’arcade et le spa, pour finir par le toit, avec sa piscine en plein air, ses aires de jeux et ses deux cheminées.
Il y a quatre auras ici.
L’une d’entre elles sort aussitôt Leblanc de son éveil.
Son éclat est noir.
Leblanc quitte le parking en courant. Elle prend son téléphone pour appeler Tim, qui ne répond pas. Elle fait pareil avec Mascarade, qui ne répond pas non plus vu qu’il a oublié de recharger son téléphone. Leblanc lui laisse un message vocal.
Elle dit : Bryan nous a devancées. Il est déjà sur le bateau.
Elle raccroche et pense à Nocturne.
Elle espère arriver à temps.
La silhouette se tient juste devant Nocturne. Sa tenue est faite d’un gilet pare-balles enfilé sur un hoodie noir, d’un pantalon cargo de la même couleur, de bottes militaires et d’une cagoule en cuir avec une épaisse fermeture éclair verticale qui s’ouvre du menton jusqu’au front.
Nocturne n’ose pas lever les yeux.
Elle n’ose pas regarder celui qu’elle rêvait de rencontrer.
Bryan Vega.
Vega dit : je ne t’ai jamais vue avant.
Nocturne fixe les pieds de Vega.
Tu sais qui je suis ? demande Vega.
Nocturne dit oui avec la tête.
Regarde-moi, dit Vega.
Nocturne lève les yeux, mais ne rencontre pas ceux de Vega : sa cagoule n’a pas d’ouverture. Elle se sent perdue comme la lumière dans un trou noir. Il aspire toute l’aura hors de son corps.
La main droite de Vega saisit le curseur de la fermeture éclair et l’ouvre lentement en tirant vers le haut. Nocturne lit sur ses lèvres le mot qui annonce sa mort.
Vegastar.
Upamecano dit : Armatura, Testudo.
Toutes les pièces de son armure se séparent et se recomposent en dôme autour de Nocturne pour la protéger des attaques extérieures.
Vega referme sa cagoule d’un geste et saute en arrière.
Quel honneur, dit-il, le gardien en personne. Upamecano dit : tu n’iras pas plus loin.
Il demande à Nocturne de partir. Il dit : je m’occupe de lui. Nocturne est en état de choc. Elle reste là à le fixer. Partez, dit Upamecano. Vous n’avez aucune chance.
Elle descend au 3e étage du paquebot, où elle croise Leblanc.
Leblanc la prend dans ses bras.
Nocturne veut lui expliquer qu’Upamecano est au sommet mais Leblanc la coupe parce qu’elle le sait déjà. Elle dit : je te confie une nouvelle mission. Rejoins les deux filles au ponton de débarquement et protège-les quoiqu’il arrive jusqu’à l’arrivée de Mascarade.
Et toi ? demande Nocturne.
Leblanc sourit et pointe le toit.
Elle dit : j’ai une affaire à régler là-haut.
Elle s’éloigne en courant et dit : on se retrouve à Copenhague. Nocturne la regarde partir vers l’ennemi. Elle a envie de pleurer parce qu’elle se sent lâche. Elle serre les poings et garde les bras collés contre son corps. Elle pense : j’ai été stupide. Je ne vaux rien.
Leblanc arrive sur le toit, où Upamecano et Vega se font face.
Upamecano dit : je reconnais votre aura. Vous étiez dans mon sanctuaire.
Leblanc se place à ses côtés. Elle dit : nous avons le même ennemi.
Les nuages tournoient dans le ciel et filent dans des directions absurdes.
Upamecano dégaine son épée et Leblanc se met en garde.