29. Copenhague = mort
L’Océane continue d’avancer pendant des heures sur l’eau qui reste lisse.
Le soleil remplace la lune, des cargos et des bateaux de pêche filent dans tous les sens, les oiseaux volent d’un point à l’autre du ciel, les ombres des nuages glissent sur le pont et la lune remplace à nouveau le soleil jusqu’au matin du troisième jour.
Casca voit les lumières de Copenhague à l’horizon.
Trish et Upamecano la rejoignent sur le pont.
Upamecano dit : vous me suivez jusqu’au repaire, et tout se passera bien.
Upamecano est parfois traversé par des courants électriques qui sont comme des résidus d’aura dans l’air. C’est une de ses capacités en tant qu’ancien gardien de la couronne.
99 % de ces résidus ont à peine plus de force qu’un souffle.
Donc quand un résidu traverse Upamecano avec plus de force qu’un souffle, comme c’est le cas à cet instant sur le pont de L’Océane, il sait que quelque chose d’inquiétant va se produire.
Et que cette chose est proche.
Nocturne ouvre la cabine où Gon et Safia Sofi sont enfermés.
Elle dit : on arrive, suivez-moi.
Gon fait signe à sa sœur de se préparer parce qu’ils vont bientôt mettre à exécution le plan de Vega. Nocturne marche devant et les guide à travers les trois niveaux du paquebot jusqu’au parking où les voitures des passagers sont arrimées. Elle dit : on va sortir par ici.
Leblanc doit les rejoindre mais elle voulait garder un œil sur Casca jusqu’au dernier moment, au cas où la présence de Gon et Safia Sofi soit bien une diversion de Vega.
Nocturne s’assoit sur le capot d’une voiture. L’idée qu’elle sera bientôt face à Bryan Vega la met en transe et crée des perturbations dans son aura. Une aura mal canalisée pénalise son éveil car sa force s’éparpille. Une des premières règles pour bien maîtriser l’éveil de son aura est de rester maître de ses émotions.
C’est la règle que Nocturne a le plus de mal à suivre.
Mais elle aura besoin de toute sa concentration si elle veut tuer Vega.
Elle entend du bruit dans son dos.
Elle se retourne et voit les deux enfants en train de partir en courant.
Gon se retourne et voit que Nocturne est à leur poursuite.
Il dit : grouille, elle nous a vus.
Ils prennent le chemin inverse à travers les couloirs. Ils avancent plus vite parce qu’ils sont petits et qu’ils peuvent esquiver tous les passagers en train de vider leurs cabines et de rejoindre le ponton de débarquement avec leurs valises.
Nocturne manque de les perdre plusieurs fois.
Ils remontent les trois étages un par un jusqu’au sommet du paquebot.
Gon a pris de l’avance sur Safia Sofi et il court jusqu’au pied d’une des trois cheminées.
Attends-moi, dit Safia Sofi, tu vas trop vite. Gon dit : viens, cache-toi ici. Safia Sofi se précipite derrière la cheminée et tous les deux attendent que l’étape 5 du vrai plan s’achève.
Nocturne arrive sur le pont et s’arrête aussitôt de courir.
Des nuages de brume glissent au niveau du sol, la lumière du matin transforme le plancher du pont en miroir, un bruit blanc remplace le vacarme habituel et les ombres à l’arrière-plan dessinent les formes des grues et des immeubles.
Gon et Safia Sofi sortent de derrière la cheminée.
Il y a une silhouette avec eux.
Elle pose sa main sur le bob de Gon, qui a un grand sourire et lève les bras au ciel. Gon dit : je savais que tu viendrais, je le savais. Safia Sofi pensait que tu allais nous abandonner parce qu’on a pas suivi le plan exactement comme tu l’avais écrit. Mais moi je lui ai dit que tu pouvais pas nous abandonner.
C’est vrai, dit la silhouette, tu avais raison.
Safia Sofi rougit parce qu’elle a honte. Approche, dit la silhouette, ce n’est pas grave si tu ne m’as pas cru. Safia Sofi arrive à côté de la silhouette, qui pose sa main sur son épaule. Elle dit : tu as toujours été plus prudente que ton frère.
Nocturne n’a pas bougé.
La silhouette la regarde sans que son aura trahisse la moindre émotion. Puis elle s’accroupit devant Gon et Safia Sofi et leur dit : vous m’attendez ici, d’accord ? Je n’en ai pas pour longtemps. Gon lève son pouce et Safia Sofi hoche la tête.
La silhouette marche vers Nocturne, qui voit son apparence se révéler au fur et à mesure.
C’est comme si la gravité doublait à chaque nouveau pas que la silhouette fait. Des microfissures apparaissent dans l’air à cause de la pression que son aura exerce. La brume s’est dissipée, le bruit blanc aussi.
La transe que Nocturne ressentait plus tôt a disparu.
Elle ne ressent plus que la peur.