Trish essaie de boucher le fond des cuvettes avec les serviettes à main et le papier toilette mais le débit de l’eau est trop fort.

Le sol est inondé sur 30 centimètres et l’atmosphère dans la pièce ressemble à celle d’une jungle tropicale. La pièce va bientôt se transformer en aquarium géant avec une déco toilettes de station-service et deux cadavres de femmes à la place des petits poissons fluorescents.

Trish a de plus en plus de mal à respirer. Elle a calé Casca contre un mur pour qu’elle ne se noie pas. Son corps s’est réchauffé et elle a l’air d’aller un peu mieux.

Trish appelle à l’aide en frappant sur la porte, mais Upamecano est toujours enfermé dans les cuisines avec les vélociraptors. Elle sort son Samsung Galaxy S3 et cherche sortir d’une pièce inondée sur Google. Un site conseille de se mettre à l’abri et de rester en hauteur.

Trish monte sur les lavabos et tire Casca avec elle.

Un autre site conseille d’utiliser une pompe pour aspirer l’eau, ou de préparer une trousse d’urgence, ou de s’informer sur l’ampleur de la montée des eaux, ou de protéger les objets de valeur, ou de vérifier les garanties de son assurance.

Trish pense : que des conseils de merde.

Elle va sur un troisième site et lit : l’eau qui imbibe le sol exerce une pression sur les murs qui peuvent être fragilisés. C’est une information utile parce que les murs dans les stations-service sont toujours faits dans un contreplaqué bas de gamme qui se troue dès qu’un routier en colère y met un coup de poing réflexe.

Trish a vu dans Kill Bill : Vol.2 que Beatrix Kiddo arrive à casser d’une seule main le bois du cercueil dans lequel elle est enfermée grâce aux souvenirs de son entraînement avec son maître Pai Mei.

Donc Trish doit pouvoir faire pareil avec un mur.

Elle place le bout des doigts de sa main droite sur un endroit du mur qui se trouve juste au-dessus du miroir et qui a déjà des petites fissures. Elle pense aux scènes de l’entraînement de Beatrix Kiddo avec Pai Mei parce qu’elle n’en a jamais suivi un en vrai. Elle se souvient qu’il faut concentrer toute son énergie dans un seul point jusqu’à ce qu’il cède.

Elle donne un premier coup de poing et crie de douleur.

Elle se souvient aussi que Beatrix Kiddo pousse des cris de karatéka chaque fois qu’elle frappe, donc elle fait pareil : elle frappe et elle crie. Les cris de douleur se transforment en cris de combat qui lui donnent de la force. Son aura émerge.
Le mur devient rouge à cause du sang de sa main, mais elle puise sa force dans le souvenir qu’elle a de Beatrix Kiddo qui refuse de mourir enterrée vivante.

C’est la même énergie dans deux poings différents.

Elle pense au mur qui craque.

Elle ne sent plus sa main mais elle continue à frapper. L’eau monte toujours et commence à recouvrir le ventre de Casca. Trish serre les dents. Elle a les larmes aux yeux. Elle se sent responsable de la vie de Casca et dit : je te promets qu’on va pas crever ici.

L’eau touche le menton de Casca. Trish tire le col de son tee-shirt pour maintenir sa tête hors de l’eau, mais elle monte de plus en plus vite et lui recouvre déjà les yeux.

Des petites bulles d’air filtrent entre ses lèvres.

Trish met toute sa force dans un dernier coup, et c’est quand elle n’y croit plus que son bras passe au travers du mur.

Les canalisations se vident d’elles-mêmes, l’eau part et le chauf­fage retrouve son thermostat habituel.

L’aura de Jill Valentine s’appelle Iceage. Elle transforme les pièces en boîtes hermétiques où elle peut reconstituer des périodes géologiques. C’est le même principe que des terrariums. Dès que la boîte s’ouvre, l’environnement disparaît.

Trish pousse un cri de joie et s’assoit épuisée à côté de Casca, les fesses dans un des lavabos. Elle dit : j’ai réussi. On est sauvées. Elle serre Casca dans ses bras et l’entend qui murmure. Elle approche son oreille de sa bouche.

Casca dit : la couronne.

Trish descend des lavabos et traverse la boutique.

Elle passe les portes vitrées.

Valentine vient de récupérer le sac à dos de Casca et part à pied vers la forêt qui longe la station-service. Elle sort un nouveau Snickers de sa poche et dit : celui-là, je l’ai bien mérité. Quand Bryan va voir ce que je lui rapporte, il va m’offrir une récompense incroyable.

Elle imagine son corps recouvert par 100 000 Snickers qui tombent du ciel.

Elle n’entend pas Trish qui marche à sa poursuite et arrive dans son dos.

Eh, dit Trish.

Valentine se retourne.

Trish lui écrase son poing sur le visage.

Valentine tombe à la renverse sur le bitume. Elle lâche le sac et son Snickers, qui roule sur le sol et se couvre de graviers. Trish s’assoit à califourchon sur son ventre et continue de lui tabasser le visage avec ses deux poings.

Valentine est submergée par les coups et elle n’arrive pas à riposter. Elle voit une aura d’un rouge vif qui enveloppe le corps de Trish comme une immense cape. La cape d’aura grandit au point qu’elle finit par recouvrir les deux corps.

Une énorme bulle de lumière rouge flotte à côté des pompes à essence.

Les yeux de Valentine s’ouvrent en grand et la lumière s’y engouffre. Elle ne sent plus les poings de Trish, qui s’est transformée en une multitude de traits gris. Son esprit ne lui appartient plus.

C’est la couronne qui le contrôle.

Et quand elle relâche son emprise, la bulle de lumière disparaît, la scène se fige, Trish arrête ses coups, et Valentine de vivre.