Trish arrive dans les toilettes.

Il y a une petite musique d’ambiance.

La première pièce des toilettes sert de sas pour accéder aux vraies toilettes où il y a des portes dont la couleur correspond au genre.

Trish ouvre la porte rose et dit : Casca, t’es là ?

Il y a d’un côté un immense miroir rectangulaire avec des lavabos et en face 12 cabines séparées les unes des autres par des cloisons en aggloméré. Il y a sous chaque porte un espace pour vérifier qu’une cabine est occupée sans avoir à l’ouvrir.

Trish se met à quatre pattes et regarde sous chacune des cabines.

Elle entend un bruit qui vient de la porte d’entrée.

Elle se relève et dit : Casca ?

La porte de la cabine la plus proche de la sortie a bougé dans le miroir. Casca, dit Trish, c’est toi ? Elle s’approche en longeant les lavabos, comme pour prendre le plus de recul possible. À chaque nouveau pas il lui manque le centimètre nécessaire pour voir à l’intérieur de la cabine.

Trish pense : mais oui, je me souviens.

La musique d’ambiance, c’est le générique d’une série où une archéologue remonte dans le temps pour sauver les dinosaures de la météorite qui les a exterminés. À la fin de la série, l’archéologue et tous les dinosaures repoussent la météorite grâce à leur union psychique et survivent à l’apocalypse.

Mais la série se conclut sur une dernière scène post-générique dramatique : l’archéologue revient dans le présent et l’humanité n’a jamais existé.

Trish voit enfin à l’intérieur de la cabine.

Casca est assise sur la cuvette des toilettes, mais sa tête tombe sur son buste.

Trish dit : Casca.

Elle s’agenouille à ses pieds et la secoue. Elle dit : Casca, réveille-toi, on doit s’enfuir. Casca ne réagit pas. Elle a perdu connaissance et son corps est endormi par le froid. Trish essaie de la soutenir pour l’aider à marcher mais ses jambes ne répondent pas.

Elle essaie de la porter sur ses épaules : trop dur.

Elle prend ses deux mains et la traîne sur le carrelage. Elle ne pensait pas qu’un corps était aussi lourd parce que dans les films les gens à traîner ont toujours l’air super légers. Trish est en nage au bout de 30 secondes et les muscles de ses bras lui font mal.

Plus elle approche de la sortie et plus elle a l’impression qu’elle s’éloigne.

Elle dit : j’y arriverai jamais.

Elle pense aux mots d’Upamecano et à la confiance qu’il avait dans sa force. Elle reprend courage. Elle continue de traîner Casca et atteint la porte des toilettes. Elle actionne la poignée de la porte, qui ne tourne pas.

Elles sont prises au piège.

La musique d’ambiance ne passe plus. À la place, quelqu’un parle.

C’est Jill Valentine.

Elle dit : c’est dommage, tu y étais presque. Elle fait des bruits de mastication. Mmh, dit-elle, j’ai trop de chance, il restait plein de Snickers dans le distributeur automatique.

Elle dit : je me régale.

C’est une phrase qui vaut autant pour le plaisir qu’elle prend à manger son Snickers que pour celui qu’elle prend à regarder Trish et Casca.

Qu’est-ce que vous nous voulez ? demande Trish.

Mh, dit Valentine, en fait je viens juste récupérer la couronne. Je n’étais pas vraiment obligée de vous tuer, mais je n’aime pas trop laisser de traces derrière moi. Il y a le bruit d’un emballage qu’on froisse. Elle dit : ça crée toujours des problèmes après.

Où est Upamecano ? demande Trish.

Elle entend Valentine qui mastique et déglutit. Désolée, dit Valentine, je finissais ma bouchée. Si c’est du chevalier que tu parles, il est enfermé dans les cuisines. Mais ne t’inquiète pas, je l’ai laissé en bonne compagnie.

Valentine rit parce qu’elle sait que en bonne compagnie veut dire avec trois vélociraptors. Elle dit : je voulais pas faire de jaloux, du coup je vous ai réservé à toutes les deux un truc vraiment spectaculaire.

Elle dit : Iceage, Holocène.

Trish entend le chauffage qui s’allume et un bruit sourd qui vient des canalisations. La température monte à vue d’œil sur le thermomètre jusqu’à atteindre les 50° C.

L’eau commence à dégueuler du fond des toilettes.

Tout le monde aux abris, dit Valentine, c’est la montée des eaux.

Elle finit son Snickers et tapote avec son doigt sur le micro. Elle dit : merde, j’en ai plein les dents. Il y a les bruits de bouche de Valentine qui décolle des morceaux de caramel de ses dents avec son doigt, et puis de sa langue qui passe sur chaque dent pour vérifier qu’il n’y a plus rien. Elle dit : ah voilà, c’est mieux.

Elle recommence.

Elle tapote sur le micro et dit : si quelqu’un m’entend, sauvez votre peau.

Elle dit : c’est la fin du monde.