Casca doit s’arrêter à une station-service pour faire le plein.

Une Lamborghini Aventador consomme en moyenne 18 litres au 100. C’est cool pour faire un tour de temps en temps mais au quotidien c’est tout de suite un gros trou dans le budget. Pour une première voiture il vaut mieux privilégier des modèles plus sobres comme la Seat Ibiza ou la Toyota Aygo.

Trish dort sur le siège passager, sa joue contre la ceinture et la bouche ouverte. Elle a bavé sur son tee-shirt et il y a une petite trace de salive au niveau de sa poitrine.

Elle tient le heaume d’Upamecano dans le creux de son bras gauche, comme une peluche.

Casca sort de la voiture et s’approche de la borne de paiement. Elle choisit son carburant et met le canon du pistolet dans le réservoir. Les chiffres de l’argent et des litres montent en même temps sur l’écran de la borne mais pas à la même vitesse.

Les chiffres de l’argent montent toujours deux fois plus vite.

Casca regarde autour d’elle.

Il n’y a aucune autre voiture aux pompes, mais trois sont garées sur le petit parking devant la boutique. Casca peut voir à travers les baies vitrées les clients se déplacer entre les rayons pour acheter des chips, des canettes et des plats préparés en barquette.

Il y a trois hommes et une femme.

La gâchette du pistolet à carburant se bloque. Casca lit 115,43 $ sur l’écran de la pompe. Elle sort le pistolet du réservoir et l’enclenche dans la borne. Elle revient dans la voiture et prend son sac à dos. Elle dit : je vais payer, j’arrive.

C’est compris, dit Upamecano.

Casca passe les deux portes automatiques.

Une serveuse est en train de préparer l’assortiment de viennoiseries pour le matin. Elle range les pains au chocolat ensemble à côté des croissants aux amandes qui sont à côté des éclairs au café qui sont à côté des cookies qui sont à côté d’une sorte de gâteau que Casca n’a jamais mangé et qui a la forme d’un 8.

Casca voit un des hommes s’en aller vers les toilettes. Un autre paie. Le dernier ouvre une par une les différentes armoires réfrigérées pour choisir la canette qui lui plaît le plus. Il hésite entre une Red Bull Edition Tropical et une Monster Energy Absolutely Zero.

Casca ne voit plus la femme, mais sa voiture est toujours garée sur le parking.

Elle arrive derrière l’homme en train de payer. Elle le voit donner un billet et des pièces en échange d’un paquet de cigarettes, de deux sachets de bonbons, d’un magazine porno et d’une pochette surprise pour enfants. Le vendeur lui rend la monnaie avec son ticket de caisse, et l’homme s’en va.

Le vendeur demande : la borne 3 ?

Oui, dit Casca.

Il dit : 115,43 $. Casca lui tend plusieurs billets auxquels le vendeur rend plusieurs pièces. Vous voulez un reçu ? demande le vendeur. Ça ira merci, dit Casca, bonne nuit.

L’homme qui était aux toilettes vient d’en sortir et croise Casca près d’un tourniquet à chips. Il passe les portes automatiques, démarre sa voiture et quitte le parking.

L’homme qui était en train de choisir sa canette est toujours debout devant les armoires réfrigérées. Casca remarque qu’il bloque la porte des Ice Tea Daiquiri Fraise qui lui font envie.

Casca dit : pardon, mais l’homme ne bouge pas.

Monsieur, dit-elle, vous bloquez l’armoire.

Elle touche son épaule et sent qu’une immense vague de froid engourdit sa main.

L’homme tourne son visage vers Casca.

Il est recouvert d’une couche de givre très épaisse, comme s’il était plaqué sous la banquise. Ses yeux sont injectés de sang et ses narines soudées par le gel.

Il veut parler mais son visage se fend dans tous les sens et les morceaux tombent à ses pieds. Sa main droite reste accrochée à la poignée de l’armoire réfrigérée, la chair de son bras se déchire et son buste rejoint les débris du visage avant de se casser en autant de morceaux.

Les restes de l’homme sont éclatés sur le sol comme des centaines d’icebergs à la dérive.

Dans le dos de Casca, une voix dit : Iceage, Quaternaire.

Il y a de la buée devant la bouche de Casca. Elle ne sent plus sa peau.

Elle tourne la tête au ralenti.

Toute la boutique est prise dans la glace. Des stalactites tombent du faux-plafond. Le vendeur et la serveuse ont subi le même sort que l’homme à côté d’elle.

La femme que Casca avait aperçue tout à l’heure se tient debout au milieu de la pièce.

Elle a les cheveux mi-longs coiffés avec un gel effet mouillé et porte une chemise jaune ouverte en haut sur un débardeur blanc. Les manches sont retroussées sur les avant-bras. Son pantalon en toile tombe sur une paire de Dr. Martens 1461 en cuir noir.

Elle ouvre le papier d’une barre de Snickers et en mange une première bouchée. Elle dit : j’adore les Snickers. J’aime bien les Twix aussi, mais les Snickers, c’est vraiment le top.

Elle ferme les yeux.

Mmh, dit-elle, cette union parfaite du caramel et des cacahuètes, sous une fine couche de chocolat au lait. C’est vraiment le goût ultime. Elle finit le Snickers en deux bouchées et lèche le caramel qui reste collé sur ses doigts.

Elle s’approche de Casca, qui ne peut plus bouger.

Elle sort un autre Snickers de sa poche et l’enlève du papier. Elle le pointe vers sa poitrine et dit : je m’appelle Jill Valentine, et Bryan m’a confié une mission. Elle pointe son Snickers vers Casca et dit : te voler la couronne.