Rivage touille le café dans son gobelet en plastique.

Copperfield est assis à côté sur une banquette et mange un Mars discount ; il a le goût du Mars mais en un peu plus fade et avec moins de cacahuètes et de caramel.

Ils attendent que le chirurgien qui a soigné Peter Fire les autorise à lui poser des questions.

Rivage profite de ce laps de temps pour initier Copperfield à la technique de l’aura.

L’objectif est simple : il doit distinguer qui est malade et qui ne l’est pas parmi ceux qui marchent dans le hall, sans bouger de sa banquette et sans leur parler.

Rivage dit : la clé, c’est l’aura.

C’est un entraînement difficile qui a pour but de développer l’intuition de Copperfield. Quand il maîtrisera cette technique au maximum, il pourra voir les différentes auras des gens et lire dans leurs émotions. Tu peux fermer les yeux, dit Rivage, ça aide à mieux ressentir les énergies.

Copperfield ferme les yeux, mais ne ressent rien. Rivage dit : oublie tes yeux et concentre-toi sur la force qui te lie aux autres. Copperfield essaie de mieux gérer sa respiration et de provoquer des visions cosmiques, comme l’alignement de planètes ou l’éclosion au ralenti de fleurs sauvages. Plusieurs silhouettes commencent alors à se dessiner dans des formes blanches qui ressemblent à de la fumée.

Je vois des formes, dit Copperfield.

C’est bien, dit Rivage, c’est la fin de la première étape, tu peux rouvrir les yeux.

Dehors, Rivage remarque deux hommes sur le parking qui discutent à côté d’une Jeep et ont l’air en colère. Il n’entend pas ce qu’ils disent. Le plus énervé des deux met un coup de tête à l’autre qui saigne du nez. Rivage pense que cette situation est un excellent exercice pour passer à la deuxième étape de l’entraînement de Copperfield.

Il demande : tu vois les deux hommes dehors ? Tu vas me dire de quelles couleurs sont leurs auras.

Copperfield ferme les yeux et se concentre sur la scène. Il ne voit pas le type avec le nez en sang prendre un coup de coude entre les épaules et trois coups de pied dans le ventre.

Par contre, dans son paysage mental, il voit une aura d’un rouge sombre qui domine une autre aura d’un vert de plus en plus clair. Rivage dit : si tu vois aussi bien leurs deux auras, c’est parce que leurs intentions sont limpides.

Un troisième homme arrive sur le parking pour essayer de séparer les deux qui se battent. Tiens, demande Rivage, celui qui arrive, de quelle couleur est son aura ?

Au début, Copperfield voit une aura plutôt bleue, apaisante. Mais l’aura rouge s’en prend à elle en la poussant et aussitôt l’aura bleue devient noire. D’un noir beaucoup plus menaçant que le rouge sombre qui a attaqué.

Tu vois, dit Rivage, même une personne avec de très bonnes intentions peut contenir une violence extrême. C’est pour ça qu’il faut toujours rester sur ses gardes. Quand Copperfield ouvre les yeux, il voit l’homme à l’aura rouge quitter le parking en courant, tandis que l’homme à l’aura noire aide l’homme à l’aura verte à se relever et à monter dans la Jeep.

C’était un bon entraînement, dit Rivage, tu as bien progressé. Copperfield demande à Rivage s’il peut voir son aura à lui. Bien sûr, dit Rivage, mais bizarrement, plus on fréquente une personne, et moins son aura nous apparaît clairement.

Copperfield a l’impression de découvrir un nouveau monde.

Rivage change de sujet et demande à Copperfield quelles informations il a récupéré sur Nick. Copperfield relit les notes de son entretien avec Red et ne donne à Rivage que les informations vraiment nécessaires.

Nick n’est pas son vrai nom. D’ailleurs, dit Copperfield, toutes les informations sur sa fiche de renseignements sont fausses. Le numéro de téléphone n’est pas attribué, et son adresse est celle d’un terrain vague. Red ne lui connaît aucun ami ni aucune relation amoureuse.

Rivage demande : et Red, comment tu l’as trouvée ?

Triste, dit Copperfield. Elle s’en veut d’avoir fait confiance à un meurtrier potentiel. Plusieurs remarques de Nick auraient dû l’alerter, mais elle n’a pas réagi.

Par exemple, il posait beaucoup de questions sur l’avancée de l’enquête. Il voulait toujours savoir quelles étaient les nouvelles pistes et si les adolescents étaient en sécurité. Il disait qu’on tournait en rond alors que tout était sous nos yeux. Après notre deuxième visite à la morgue, il a demandé à Red pourquoi on insistait autant sur l’histoire du jumeau alors que c’était une fausse piste.

Red s’est souvenue lui avoir dit : Rivage n’est pas un inspecteur comme les autres.

Sur le moment, Copperfield n’a pas compris ce que Red voulait dire, mais maintenant qu’il connaît la force de l’intuition de Rivage, il est d’accord avec elle.

À ton avis, demande Rivage, de quelle couleur est l’aura de Nick ?

Copperfield pense au spectre des couleurs et à toutes les nuances qui existent. Il n’a pas encore le niveau pour lui donner une réponse convaincante.