25. Copperfield rejoint Rivage
Copperfield rejoint Rivage au fond du champ, à côté des fourrés de ronces. Il s’est habillé exprès pour l’occasion avec des vieux vêtements de mauvaise qualité, dont un tee-shirt publicitaire pour une jardinerie.
C’est le même champ où ils ont retrouvé Ken, et pourtant il ne dégage plus la même énergie macabre. Tous les flux négatifs ont été dispersés dans les parages. Copperfield pense aux maisons avec des victimes de tueurs en série. Elles mettent beaucoup plus de temps à se vider des flux négatifs parce qu’elles ne sont pas ouvertes sur l’extérieur.
Copperfield pense : plus le drame est grave, plus il faut aérer longtemps.
Il se met à fouiller dans un autre fourré. Il demande à Rivage : alors, comment s’est passé l’interrogatoire du proviseur ?
Rivage pense au moment précis où la balle du sniper a percuté la tempe gauche du proviseur et où sa tête s’est déformée à cause du choc. Il pense qu’en ralentissant la scène au maximum il y a forcément un centième de seconde pendant lequel le proviseur continue de vivre sans problème avec cette balle dans le crâne.
Pas hyper bien, répond Rivage. Il lui raconte la scène. Et toi au pub ? demande-t-il. Pas hyper bien non plus, dit Copperfield. Il lui parle de la disparition du lambris.
Rivage dit : au moins c’est certain, on fouille au bon endroit. Il parle des fouilles théoriques de l’enquête, et pas des fouilles concrètes de la roche.
10 minutes plus tard, m444rc et Peter Fire arrivent à leur rencontre. Ils marchent assez lentement à cause de la boue et des herbes qui les font trébucher. Ils n’ont pas prévu de bottes ni de pantalon adapté.
Quand m444rc a rejoint Peter Fire sur leur lieu de rendez-vous, il a pensé qu’il dégageait quelque chose de triste et d’inquiétant. Il n’est pas sûr qu’il participe à cette enquête pour retrouver le tueur de Ken. Il pense que Peter Fire a un autre objectif.
Il commence à pleuvoir, donc tout le monde met sa capuche.
m444rc dit : salut.
Vous êtes qui ? demande Rivage.
Moi c’est Mark, dit m444rc, et lui c’est Peter Fire, dit-il en montrant Peter Fire.
Salut, dit Peter Fire. Il serre la main de Rivage.
Rivage pense qu’un nom comme Peter Fire représente bien toute cette nouvelle génération de parents qui aiment donner à leurs enfants des noms modernes comme Zzyxx, Absalon ou X Æ A-12. Il leur demande pourquoi ils sont là et ce qu’ils ont à leur dire.
On vous a vus dans le journal, dit Peter Fire, et on voulait vous filer un coup de main. Il lui parle de tous les indices qu’ils ont trouvés en ligne et de l’investissement de la communauté Craftmania. m444rc explique qu’il était dans le même collège que Ken et qu’il se sent directement concerné par ce qui lui est arrivé.
Ça aurait pu m’arriver à moi aussi, dit-il.
Rivage pense lui poser quelques questions à propos de Ken, mais il sait par avance qu’il ne saura rien de plus. Tout le monde lui a déjà dit que Ken était un adolescent sans histoire.
Peter Fire parle de la piste de la couronne, qui leur semble la plus fiable. Il explique à Rivage que laisser une trace comme celle-là ressemble à un rituel que le meurtrier pourrait avoir envie de reproduire. Il parle d’une piste qui pourrait lier cette couronne à une secte, mais l’expression sur le visage de Rivage ne lui donne pas tellement envie de l’approfondir.
Rivage dit que leurs indices actuels les dirigent vers une autre piste.
Ah ouais OK, dit Peter Fire.
Il ramène son sac à dos devant lui et en sort une version imprimée et reliée de Monde couronne. On voulait quand même vous donner ça, dit Peter Fire en la tendant à Rivage.
Il dit : c’est vous les pros, mais la piste de la couronne mérite au moins d’être examinée.
L’assurance et la détermination de Peter Fire surprennent Rivage. Il voit dans son regard une ambition qui pourrait le détruire si elle le dépassait. Rivage pense : bientôt, il aura un choix à faire.
La densité de Monde couronne témoigne d’un gros boulot qui inspire le respect. Dommage qu’ils aient utilisé une reliure spirale, pense Rivage. Pour un dossier aussi épais, ils auraient dû partir sur une reliure thermocollée.
Rivage feuillette quelques pages au hasard. Il tombe sur la photo aérienne d’un immense labyrinthe dans le maïs. Il essaie d’en trouver la sortie à partir du centre, mais les issues n’apparaissent pas sur la photo.
Plus loin, il voit la photo d’un groupe d’une centaine de personnes habillées de capes noires et réunies dans ce qui ressemble à un repaire souterrain. Rivage ne regarde que les photos. Le texte est écrit beaucoup trop petit et trop serré pour lui donner le courage de le lire. Les gouttes de pluie font des trous dans le papier de mauvaise qualité.
OK ben merci, dit Rivage en fermant le pavé, on va regarder ça.
Peter Fire et m444rc voient Copperfield un peu plus loin en train de fouiller dans les fourrés. Ils lui demandent ce qu’il cherche. Un indice, répond Copperfield. Rivage le rejoint pour le regarder travailler. Il ne sait pas où poser le dossier sans le salir.
Il pleut toujours, mais maintenant c’est une sorte de bruine légère qui ne trempe pas vraiment.
Génial, la voilà, dit Copperfield. Il prend la roche dans sa main avec un gant en latex. Puis il la lève avec joie vers le ciel, qui ne lui rend aucun signe.