Rivage pense comme Copperfield que le proviseur ne leur a pas tout dit. Il dit : je vais hacker son ordinateur en passant par le serveur du collège, et fouiller ses dossiers privés. Sam Delta lui a laissé un tuto intitulé Comment hacker n’importe quel PC en 5 étapes, avec des explications très claires même pour un débutant comme Rivage.

Rivage sort une clé USB de 256 Mo d’un des tiroirs de son bureau et boote Kali Linux. Il tape une vingtaine de lignes de commande dans le terminal sans les comprendre. Elles lui permettent d’exploiter une faille de sécurité dans la webcam du Hewlett Packard du proviseur pour la contrôler à distance.

70 % des objets connectés contiennent des failles de sécurité.

Grâce à elles, les écrans des réfrigérateurs se transforment en caméras de surveillance, et les robots ménagers en bornes d’arcade.

Copperfield relit les notes qu’il a prises dans son carnet.

La phrase BANJO BEGS FOR PLENTY OF EGGS est celle qui l’intrigue le plus. Son sens résiste totalement à la traduction. Copperfield ne comprend pas pourquoi un banjo supplierait pour avoir des œufs.

Il va sur Google, tape banjo begs for plenty of eggs et clique sur le premier lien. Il renvoie vers le wiki de référence consacré au jeu Banjo-Kazooie.

Banjo-Kazooie est un jeu de plateforme sorti en 1998 sur Nintendo 64. Le joueur y incarne l’ours Banjo et le héron femelle Kazooie, que Banjo transporte dans son sac à dos. Leur but final est de vaincre la sorcière Gruntilda, qui a enlevé la sœur de Banjo parce qu’elle est plus belle qu’elle.

Il y a neuf niveaux en tout, qui alternent phases de plateformes, combats, collecte d’objets et énigmes. Dans l’ensemble, il faut surtout aider d’autres animaux à régler leurs problèmes, dans des environnements variés comme le Marais Moisi, le Pic Polaire ou la Baie du Rusty Bucket, tous accessibles grâce à une carte du monde qui se trouve dans la tanière de Gruntilda.

Certains joueurs disent que Banjo-Kazooie est une claque monumentale et même un bien meilleur jeu de plateforme que Super Mario 64. En fait, la plupart des jeux sortis sur Nintendo 64 sont excellents et se disputent la première place. Il suffit de penser à GoldenEye 007, à The Legend of Zelda: Ocarina of Time ou à Perfect Dark pour comprendre la chance qu’ont eue les joueurs à cette époque.

La Nintendo 64 était vraiment une console de salon parfaite : performante, conviviale et accessible.

Copperfield tape le raccourci de recherche et retrouve la phrase exacte dans une très longue page en anglais. C’est un mot de passe qui permet au joueur d’obtenir des œufs bleus à l’infini. Les œufs bleus sont la seule arme dans Banjo-Kazooie, et Kazooie peut les projeter avec son bec ou ses fesses.

Copperfield se souvient que lui aussi notait ses mots de passe sur des feuilles volantes pour ne pas les oublier. Mais Ken n’avait aucune raison de cacher celui-là aussi bien dans son dauphin en porcelaine. Sauf si le mot de passe a une autre fonction, pense Copperfield.

Rivage dit : Copperfield, viens voir ça.

Sur l’écran de Rivage, le proviseur gigote torse nu.

C’est en direct, dit Rivage, j’ai réussi à prendre le contrôle de sa webcam.

Rivage et Copperfield regardent le proviseur bouger sur son fauteuil de bureau. Il fait des bruits et des grimaces bizarres ; son fauteuil aussi fait des couinements à cause d’un mécanisme trop peu huilé et du cuir qui frotte. La scène met très mal à l’aise Copperfield, qui arrête de la regarder.

Bon, dit Rivage.

Il continue le tuto de Sam Delta. L’étape 5 explique comment fouiller dans les dossiers. Rivage lit avec attention toutes les consignes. Au bout du chemin root/Users/Douglas/Pictures/Vacances_Miami_2012/extra/drafts/, il finit par découvrir des centaines d’images pédopornographiques de super qualité.

Il dit : j’envoie toute cette merde à la scientifique.

Il fouille encore un peu plus et découvre que le meilleur score du proviseur à Pinball 3D est 11 256. Pas dingue, pense-t-il.