Tout le monde s’est assis ou allongé dans l’herbe pour écouter l’histoire de Brion et des Rangers. Price a pris des notes dans son grimoire de tout ce qui a été raconté. Parfois elle disait : c’est incroyable, quand elle entendait un truc qu’elle trouvait incroyable.

Casca ouvre son sac à dos et sort un par un chaque LEGO récupéré pendant leur voyage. Les deux Rangers marchent à quatre pattes vers elle pour la regarder faire. Ils ont les yeux et le sourire de la joie. C’est pour nous ? demande le Ranger noir.

Oui, dit Casca.

Trop bien, dit le Ranger noir. Ouais, dit le Ranger rouge, c’est vraiment trop trop bien. Ils s’assoient et font des bruitages en même temps qu’ils bougent les LEGO. Des fois ils les font voler, des fois ils les font rouler, des fois ils les tapent l’un contre l’autre. Des fois ils disent : je suis le méchant absolu, et des fois ils disent : déflagration maximale.

Brion les regarde jouer avec de la tendresse. Il relève la visière de son casque. Ses yeux sont d’un bleu intense qui vire vers le blanc. Il dit : merci. C’est apaisant de les voir jouer.

Tu sais qu’on essaie toujours de leur faire plaisir, dit Upamecano.

Il y a le bruit d’une voiture qui se gare devant la maison.

C’est une BMW M4 jaune.

Palmyre dit : on attend quelqu’un ?

Des pas se rapprochent dans l’allée en bitume qui fait le tour du jardin. Tout le monde se tourne vers le portail. Une main passe par-dessus pour déverrouiller le loquet. Le portail s’ouvre sur deux nouvelles personnes.

Devant : Palutena, gardienne du corps sacré.

Elle porte un long manteau marron en fausse fourrure, une toque de la même couleur et de la même matière, et des mitaines. Ses cheveux blonds lui arrivent jusqu’au milieu du dos et cachent la moitié droite de son visage. La forme de sa bouche et l’absence d’intensité dans son regard lui donnent un air détaché.

Les deux Rangers arrêtent de jouer et courent vers elle. Ils ouvrent leurs bras et entourent chacun une jambe à travers son manteau. Ils disent : Palutena. Le Ranger noir dit : c’est trop bien quand tout le monde est ensemble. Ouais trop, dit le Ranger rouge, c’est comme si on était une famille.

Palutena dit : je suis heureuse de vous revoir, les enfants.

Derrière elle, il y a un homme avec deux sacs de courses dans les mains.

Casca le fixe comme s’il revenait d’entre les morts.

C’est Mista.

Le nouveau gardien du corps.

Il dit : je me suis garé devant, j’espère que c’est OK ? C’est très bien, dit Brion. Mista dit : et on vous a aussi ramené des cadeaux.

Il dépose ses deux énormes sacs dans l’herbe, qui débordent de LEGO. Les deux Rangers se précipitent pour fouiller à l’intérieur. On va pouvoir faire des fusions, dit le Ranger rouge. Le Ranger noir met ses deux mains sur les épaules du Ranger rouge et lui parle droit dans les yeux. Il dit : imagine si on faisait la fusion ultime.

Le Ranger rouge n’y avait même pas pensé.

Il dit : ouais. C’est mon rêve.

Ils s’installent à l’écart avec tous leurs LEGO et les démontent un par un pour refaire de chaque modèle un amas de pièces.

Mista s’assoit en tailleur à côté des autres. Il trouve bizarre que Casca le fixe à ce point. Il pense : je la connais ? Il n’est pas très physionomiste. Il pense : je dois la connaître. Il essaie de se souvenir de l’endroit où il l’a déjà vue. Il pense à une amie d’ami, ou à une fille croisée en fin de soirée à Miami, ou à quelqu’un à qui il devrait de l’argent.

Tu ne te souviens pas de moi ? dit Casca.

Si si, dit Mista.

Il ne se souvient pas.

Casca dit : la serveuse du golf ? Celui de Miami ? demande Mista. De Myriad Pro, dit Casca. L’Alambra. Tu te souviens de la fusillade ? Mista commence à la remettre. Casca dit : j’étais cachée derrière le bar. Tu m’as donné un sac et les clés d’une Lamborghini.

La Lamborghini fait tilt parce que Mista n’a pas tous les jours l’occasion d’en voir une.

Alors que les fusillades, il est habitué. C’est classic shit.

Je me souviens, dit Mista. Je venais juste pour récupérer le corps, mais j’avais une dette envers un flic. Copperfield, dit Casca. Oui, Copperfield, dit Mista. Tu le connaissais ? Un peu, dit Casca. Il avait vraiment un truc, dit Mista. Je le voyais dans son aura. Il aurait peut-être pas voulu que je tue tout le monde, mais je n’ai pas trouvé une autre façon de lui rendre justice.

Mista pense à la meilleure façon de rendre justice.

Casca dit : je voulais te poser une question.

Vas-y, dit Mista.

Elle lui demande : pourquoi tu m’as donné le sac ?

Mista dit : le sac ? Oui, dit Casca, un sac qui était dans le club-house, avec des liasses de billets dedans. Mista réfléchit. Il dit : je sais pas. Je devais me dire que si tu perdais ton job t’aurais besoin d’argent. J’ai pas trop fait gaffe.

Casca sort la couronne de son sac à dos et la pose à ses pieds. Elle dit : il y avait cette couronne aussi au fond. C’est l’artefact ? demande Mista. Oui, dit Casca. La couronne en or.

Mista dit : Diavolo m’avait dit de surveiller les affaires de Steve Midgar, mais j’avais pas compris qu’il voulait parler de ce sac. Il m’a mis la pression pendant des semaines après. Je ne voyais même pas de quoi il me parlait. Tu garderas le secret, d’accord ? Diavolo me tuerait s’il savait.

Je ne pense pas que j’aurai l’occasion de le rencontrer, dit Casca.

Pourquoi ? demande Mista.

Palutena ne t’a pas dit ? dit Casca. Dit quoi ? demande Mista.

Casca dit : ce qui allait nous arriver.