49. L'éblouissement
De loin c’est une file d’ombres qui glisse de droite à gauche.
En tête il y a Cid tout seul, qui gère le GPS et sert de vigie en cas d’attaque, derrière le duo Davenport-Casca, qui ne parle pas vraiment, encore derrière le duo Trish-Pantone, qui parle tout le temps de trucs que personne d’autre ne comprend, encore derrière la luge avec Asim dessus et pour boucler la marche Upamecano.
Des fois d’autres mini-groupes se forment par affinités ou par hasard.
Par exemple le duo Cid-Davenport permet à Davenport de connaître tous les secrets du combat de Cid contre Kenpachi Zaraki pendant le Tenkaichi Budokai.
Zaraki brise la garde de Cid pour enchaîner un combo de 9 coups : Un deux coups de poing, Chirurgie à domicile, Coup de pied latéral droit, Aigle volant, Manque de respect, Feinte de flamant rose droit, Morsure de la cheville au flamant rose droit, Faucon de chasse et Guillotine sanglante.
Mais il manque d’endurance pour donner le coup fatal.
Donc Cid riposte avec ce combo de 11 coups : Coup de poing flash, Démon bourreau, Revers du démon, Kick démon, Posture Raijin, Monzenbarai, Marteau Foudre, Barrage de Tenma, Uppercut Dragon, Angekisai et Rashomon.
Zaraki est encastré dans le sol et ses yeux sont révulsés.
L’arbitre pose deux doigts sur sa carotide.
Tout le monde compte 10 secondes dans sa tête.
L’arbitre revient près de Cid et lève son bras pour le déclarer vainqueur.
Le public applaudit et c’est la fin de l’histoire.
Le duo Davenport-Trish permet à Trish de poser des questions sur Jill Valentine. Elle demande à Davenport s’il la connaissait bien, et Davenport lui répond que personne ne se connaît vraiment dans la Brigade fantôme.
Il dit : je ne sais même pas pourquoi elle a suivi Bryan. Je me souviens qu’elle adorait les Snickers. Elle en mangeait à toutes les réunions. Elle répétait toujours le slogan de la pub. Elle disait : t’es pas toi quand t’as faim.
Quand quelqu’un de la Brigade s’énervait, dit Davenport, elle lui tendait un Snickers et elle lui disait : tiens, prends. T’es pas toi quand t’as faim. J’ai jamais cherché à comprendre pourquoi elle nous répétait cette phrase.
Trish demande : tu sais qui a récupéré son corps ?
Non, dit Davenport. La police peut-être.
Trish dit : j’essaierai de trouver sa tombe.
Elle demande à Casca si le pouvoir de la couronne pourra la ressusciter. Elle dit : vu que c’est la couronne qui m’a obligée à la tuer. La couronne n’a pas ce genre de pouvoir, dit Casca. On sait pas, dit Trish, peut-être qu’il faut juste essayer.
Casca dit : je ne suis pas le roi.
Trish arrête de marcher.
Elle regarde Casca qui s’éloigne devant elle. Elle comprend qu’elle est à ce moment de leur relation où elle passe après. Quand deux personnes tristes sur un même plan partent l’une à gauche et l’autre à droite pour suivre chacune leur destin.
Elle ne veut pas tourner le dos à Casca ni rentrer à Portobello.
Elle voudrait lui dire : aide-moi.
Mais elle ne peut rien dire.
Elle regarde les flocons de neige qui collent à son pantalon et ses chaussures. Elle pense que si elle reste assez longtemps dans cette position, elle finira par être entièrement recouverte. Un enfant de passage mettra une carotte et des cailloux sur son visage. Il dansera autour d’elle comme pour célébrer un esprit ancestral.
Quand il en aura marre de danser il fera des boules de neige bien compactes en les tassant entre ses mains et il les lancera pour éclater la sculpture. Il commencera par le bas et finira par la tête.
Sous la couche de neige, il n’y aura plus rien.
Pas de squelette, pas d’ADN, pas de trace pour les scientifiques du futur. Pas de corps à enterrer, et pas de nom à graver. Plus de Trish ni de souvenir de Trish.
Pantone est la dernière personne à lui passer devant.
Il se retourne et lui dit : tu viens ?
Trish sort de ses pensées et voit dans son visage une lumière blanche. Au début c’est comme le soleil qui aveugle quand il est vu de face. Et puis elle s’habitue et distingue d’autres lumières aussi intenses derrière celle que Pantone émet. C’est un système solaire miniature avec cinq planètes plus ou moins alignées.
Cid, Davenport, Upamecano, Casca, en fait tout le monde s’est retourné.
T’as pas intérêt à me dire que t’es fatiguée, dit Cid tout au bout de la file. Moi je suis fatigué, dit Davenport. Cid surplombe Davenport avec les sourcils froncés et la veine du front qui gonfle. Davenport dit : en fait ça va, c’était juste une impression.
Pantone dit à Upamecano : il est vraiment zinzin le vieux.
Upamecano ne sait pas ce que zinzin veut dire.
Il dit : oui, très zinzin.
Et Casca se tient immobile dans une forme d’apaisement qui va de soi.
Trish entend chaque parole dans un temps qui s’étire à l’infini. Les gestes et les regards sont pris dans le même mouvement. Tout lui semble parfait : le cadre, la composition, la lumière, les dialogues, le casting.
C’est la scène d’un film qu’elle est en train de réaliser.
Elle ne lui a pas encore donné de titre.
Mais il y aura tout le monde au générique.