Le groupe est maintenant composé de Casca, Trish, Upamecano, Cid et Davenport.

Tout le monde s’installe dans la Mercedes mais à d’autres places que dans le camion : Trish conduit, Casca est sur le siège passager et Davenport coincé sur la banquette arrière entre Cid et Upamecano.

Trish demande ce qu’ils veulent écouter. Elle dit : il nous faut un truc cool pour rouler sur la banquise. Davenport lui tend le CD MIXTAPE POUR DAVENPORT. Il dit : celui-là. Génial, dit Trish.

C’est la première fois que Davenport écoute ces chansons avec du monde autour. Les souvenirs restent, mais la peine diminue.

La route est longue jusqu’à la base scientifique de la fondation Speedwagon. C’est l’occasion pour Davenport d’expliquer comment il a rencontré Vega au Chaos Club de Miami, pour Casca de regarder le paysage par la fenêtre, pour Trish de faire le jeu de deviner à quelle star elle pense et pour Cid de raconter dans le détail encore une de ses aventures de jeunesse.

Tout pourrait laisser penser à un trajet normal entre amis qui vont de Myriad Pro à Portobello pour passer la journée à la plage.

Mais dans cette région autant la température reste supportable sur les côtes, autant elle chute fortement à mesure que le trajet s’enfonce vers le pôle. Et le chauffage d’une Mercedes 500E n’est pas en mesure de compenser cette dégradation thermique.

Encore moins quand il n’y a plus de pare-brise et que l’air s’engouffre à l’intérieur.

Les doigts et les visages s’engourdissent, la peau devient blanche, quand quelqu’un parle il s’exprime peu ou moins bien, et plusieurs perdent la notion du temps.

Tout l’équipement de protection était dans le camion de Cid qui continue de couler dans l’océan.

C’est une expérience à ne pas reproduire à la maison.

Trish demande : on arrive quand ? Bientôt, dit Cid. Il faut tenir encore un peu.

Le bientôt de Cid n’a aucune réalité : les pneus de la Mercedes sont à plat, Davenport est en hypothermie, tout ce que voit Trish est flou et elle ne sent plus son pied qui accélère, le gel s’est infiltré dans les chairs, Casca et Upamecano se sont mis dans une sorte d’hibernation qui leur permet de conserver leurs fonctions vitales mais plus d’interagir, et la batterie finit par lâcher.

Trish dit : Cid, j’en peux plus.

Elle perd connaissance.

Cid sort de la voiture, retire le haut de son kimono et concentre son aura pour accélérer l’afflux sanguin dans ses bras, ses jambes et ses épaules.

Cid peut être considéré comme quelqu’un de fiable. Il est toujours OK pour assumer les pires corvées : déménagement, réparation de plomberie, récoltes agricoles, garde d’animaux de compagnie. Et s’il doit pousser une Mercedes seul dans le froid polaire, il y mettra toute sa force.

Les autres ne le sauront jamais, mais il aura assumé seul plus de la moitié de la route.

Il est finalement abordé par des pêcheurs en traîneaux qui sauvent le groupe du froid et l’aident à tracter la Mercedes jusqu’à leur campement d’igloos : Woodsboro.

Les igloos de Woodsboro sont au top de la domotique : assistant Google Home, plancher chauffant, stores électriques, serrure avec protocole Bluetooth, Smart TV, poubelle avec capteurs de reconnaissance, pommeau de douche connecté, digicode, thermostat et ampoules Philips Hue télécommandées.

Cid avait prévu de faire un arrêt à ce campement pour se ravitailler.

C’est comme une zone de loot.

Le loot c’est tous les objets qui peuvent être récupérés sur les cadavres des ennemis, dans des caisses ou des coffres en bois.

Comme la quête de Casca est de type action-aventure et survie, et pas de type tir à la première personne ni battle royale, il y a des caisses à ouvrir plutôt que des cadavres à fouiller.

C’est une quête du même type que des jeux comme Resident Evil, The Last of Us, Silent Hill, Subnautica, No Man’s Sky et The Callisto Protocol.

En théorie le loot c’est génial parce qu’il y a de tout : des potions, des bandages, des trousses de soins, des munitions, des armes et des cartes.

Mais en vrai personne ne trouve jamais ce dont il a besoin au moment où il en a besoin.

Dans Resident Evil les munitions sont tellement rares qu’il vaut mieux abandonner l’idée d’utiliser son 9 mm sur les zombies. La vraie astuce, c’est de courir dans tous les sens pour les éviter.

L’avantage du groupe de Casca, c’est que la fondation Speedwagon a préparé le loot en fonction des demandes de Cid, qui a prévu exactement les ressources dont ils auront besoin pour arriver au bout de leur voyage.

C’est du loot sur mesure.

C’est presque de la triche.

Trish émerge à côté d’un poêle à granulés qui assure une température de 20°C, idéale pour une pièce à vivre. Casca, Upamecano et Davenport sont déjà en train de se réchauffer les mains, assis dans des fauteuils club avec porte-gobelet intégré.

Trish demande où est Cid. Il arrive, dit Davenport.

Cid revient d’un autre igloo avec des doudounes, des paires de raquettes, des gourdes et des couvertures de survie qu’il jette en vrac au milieu de la pièce. Il dit : équipez-vous, on doit finir le trajet à pied. Ils ne peuvent pas nous prêter un de leurs traîneaux ? demande Davenport. Leurs chiens sont sacrés, dit Cid, ils n’ont aucune raison de nous les confier. Davenport dit : et nous transporter ?

Cid dit : ces pêcheurs vivent hors du cours du temps. C’est déjà un honneur qu’ils nous accordent l’hospitalité.

Il pousse du pied une caisse en métal.

Il dit : vous devriez manger un morceau, c’est notre dernier vrai repas avant l’arrivée à la base. Trish regarde les étiquettes sur les conserves. Elle demande : pourquoi il y a que des burgers ?

Je pensais que c’était ce qui vous ferait plaisir, dit Cid. Il prend une conserve dans sa main. Il dit : c’est des très bons burgers. Il décapsule la conserve et démoule le burger directement dans sa bouche. Il dit : ils ont un goût de vieux ketchup.

Trish fait une grimace de dégoût. Elle imagine son entrée dans le paradis avec un caddie rempli de conserves. Elle distribue des burgers mous aux anges qui mettent les mains en offrande.

Les anges disent que c’est la pire dégustation burger de leur vie.

Une trappe s’ouvre sous les pieds de Trish et l’envoie en enfer.

Les pêcheurs ont aussi parlé à Cid de deux hommes qui suivaient le même chemin qu’eux à quelques heures d’intervalle. Leur présence est liée à la couronne, mais leurs motivations sont opposées.

Il y a un allié et un ennemi.

Le groupe va croiser la route du premier deux jours plus tard.

Et celle du second encore deux jours après.

Mais à ce moment-là le groupe ne sera plus tout à fait le même groupe.